Longue période de gestation, laborieuse, douloureuse, où le doute et le spectre des Maîtres, hantent sa pensée créatrice.
Suivant le mot de Delacroix "La nature est un dictionnaire", il interroge les collines, les pins, la terre, qui lui fournissent les éléments de ses compositions, montées comme pierre à pierre, par plans réfléchis, à la limite de l'abstraction. Ils lui fournissent aussi son matériau coloré: pour beaucoup les terres, les ocres et les verts plus ou moins rompus du terroir.
On pense volontiers au paysagisme abstrait, qui s'apparente à la vision aérienne du territoire mais prenons garde que la photo aérienne nous révèle les linéaments fantomatiques des habitats celtes ou gallo-romains, qui sourdent au travers du patchwork des parcelles cultivées.
L'abstraction, il s'y plonge épisodiquement dans la quête de l'invisible: "rendre visible l'invisible" ce mot de Paul Klee qui pose la vraie question de l'acte créateur.
Au terme de ce parcours difficile, propre à toute démarche picturale sincère, se dessine, vers 1981, une voie plus précise, celle de la maturité naissante.
Dès lors, cette personnalité va s'affirmer d'oeuvre en oeuvre se rapprocher d'une vérité plus fine, sans jamais s'alourdir d'une technique définitive: nous sommes à cent lieues des hautes pâtes ébouriffées, des éclaboussures ou des giclures des expressionnistes de tout poil, qui croient mimer ainsi l'exubérance de la force vitale.
Ainsi ses toiles se succèdent, sans jamais être des duplicata. BAUGIER guette constamment dans sa toile, l'opportunité de son oeuvre prochaine.
On lira dans une toile de BAUGIER, les vestiges de son esquisse, apparaissant en teintes pures, aux dissonances masquées, dans les fissures ménagées entre les plans derniers posés: la violence est ici tapie comme un feu latent sous le couvert général; BAUGIER brûle sous ses glacis.
Marcel BAUGIER peint avec des couleurs charnelles ; il mélange la terre de Provence aux exigences de la construction, il est architecte de sa pensée et chromatiquement affectif et ce mélange savant de la rigueur et de la sensualité sont la base de son savoir-faire.
Il est un peu le Matisse de l’abstraction. Son mûrissement, palpable au cours des années, le conduit inéluctablement à continuer d’explorer les friches de ses expériences réitérées.
Toujours en mouvement, sa palette cherche à se reposer mais lui, comme un jardinier jusqueboutiste, tente de nouvelles semailles, trace de nouvelles charpentes, idéalise d’autres voies et le spectacle de ses avancées nouvelles toujours me mobilise autant.
J’aime l’ami et je n’en finis pas de découvrir le peintre.
Jean VAUTRIN
Ecrivain Prix Goncourt
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